C’est par ces mots que la Commissaire européenne à l’Economie et la Société numérique, Mariya Gabriel, a ouvert le 6 mars la conférence de restitution du Livre Blanc européen de l’EFFE à Bruxelles
Le secteur de l’emploi à domicile est en pleine transformation digitale, étroitement liée à l’utilisation de plus en plus élargie des outils numériques par les ménages européens toutes tranches d’âge confondues. Qu’il s’agisse de la déclaration en ligne du travail des salariés du domicile, des plateformes de formation professionnelle ou de toute autre démarche en matière d’assurances ou en matière fiscale, le numérique est appelé à occuper un rôle déterminant dans les foyers employant directement un salarié pour répondre à leurs besoins quotidiens.
Comme évoqué par la Commissaire au cours de la conférence de restitution, « des outils en ligne visant à simplifier les exigences administratives, fiscales ou encore en matière d’assurance pour les travailleurs à domicile et familiaux aideraient beaucoup à faire émerger ce qui demeure encore dans une large mesure un secteur non-déclaré ». L’emploi à domicile souffre en effet de la persistance d’une tradition d’informalité des tâches domestiques, souvent prises en charge par les proches ou par des employés recrutés hors des processus traditionnels du monde du travail. La nécessaire professionnalisation des employés du domicile et leur reconnaissance ainsi que celle des particuliers employeurs, valeurs défendues par l’EFFE, induisent un recours à des outils numériques facilement accessibles et utilisables par le plus grand nombre de citoyens.
En effet, dès lors que les Etats membres mettront en place des dispositifs de solvabilisation et de simplification administrative adaptés pour inciter les ménages à déclarer leurs travailleurs à domicile, déclarer sera rendu plus simple et plus rapide, notamment au moyen de plateformes numériques, faciles d’utilisation et ainsi incitant à la déclaration des travailleurs dans toute l’Europe. Pour les Etats, cela permettra de compiler des données, indispensables pour mieux périmétrer le secteur et évaluer l’impact des politiques publiques mises en place au sein des Etats membres et à l’échelon européen.
La France, par exemple, a beaucoup avancé, notamment par le biais de la numérisation en 2003 du dispositif Chèque emploi-service universel (CESU) et de la possibilité de déclarer en ligne son salarié du domicile. Repensé en 2018, le site www.cesu.urssaf.fr est désormais accessible depuis un smartphone et permet non seulement la déclaration du salarié, mais aussi sa rémunération directe déduite des cotisations et autres prélèvements obligatoires, automatiquement reversés aux organismes publics, ainsi que la consultation des fiches de paie et autres documents administratifs. En 2017, la numérisation du dispositif CESU a permis à 1,9 million d’utilisateurs employeurs de déclarer près de 14 millions de services rendus par 600 000 salariés, permettant ainsi de recouvrement de plus de 2 milliards d’euros de cotisations sociales. La numérisation serait aussi un outil précieux pour centraliser les offres et les demandes d’emploi à domicile et faciliter la tâche à toute une fraction de la population en recherche d’aide et de soins à domicile. La Belgique a elle-aussi numérisé ses Titres-services (Dienstencheques) avec la création en 2017 des espaces de déclaration de l’emploi à domicile pour chacune des trois régions constitutives du pays : Wallonie, Flandre, et Bruxelles-Capitale.
A travers son Livre Blanc, l’EFFE dresse des propositions à destination des acteurs politiques nationaux et européens pour améliorer le quotidien de millions de citoyens européens pour la prochaine mandature. La huitième proposition incite à un meilleur accompagnement institutionnel de l’inclusion numérique et à un plus grand développement des plateformes collaboratives : au sein de l’Union européenne, les personnes âgées sont particulièrement touchées par la fracture numérique, c’est-à-dire la difficulté d’utilisation des technologies numériques en raison de leur manque d’habitude et généralement d’absence de formation adéquate à ces usages. Selon Eurostat, si 90% des personnes de moins de 55 ans dans les 28 pays de l’Union européenne utilisent régulièrement Internet, ce chiffre tombe à 78% pour les 55 à 64 ans, puis chute à 58% pour les personnes âgées de plus de 65 ans.
Le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, c’est-à-dire le plan budgétaire exhaustif de l’Union européenne comprenant toutes les dépenses prévues sur une période de 6 ans, s’étendra de 2021 à 2027, et s’il est aujourd’hui encore en cours de négociations entre les trois institutions, promet déjà de faire la part belle à l’économie numérique avec un budget prévisionnel alloué de 9,2 milliards d’euros, catégorisés au sein du programme Digital Europe. Au sein de ce budget, ce sont plus de 700 millions d’euros qui seront entièrement dédiés au développement des compétences numériques (digital skills) des citoyens. Un tel objectif coïncide en outre très opportunément avec la démarche de professionnalisation des employés du domicile dans laquelle l’EFFE s’est engagée : l’accroissement des compétences liées à l’usage des technologies et des outils digitaux sera prochainement une condition sine qua non demandée aux employés du domicile afin d’accompagner les personnes âgées ou à mobilité réduite dans leurs démarches administratives.
Véritable phare de lance de l’action de l’Union européenne dans les dix prochaines années, le numérique est appelé à rendre l’action humaine quasi-marginale dans un très grand nombre de secteurs industriels, professionnels et sociaux. Les enjeux, par exemple, de l’intelligence artificielle, explorés par la Commission européenne depuis quelques années par le biais d’appel à projets auprès de startups et d’entreprises technologiques spécialisées, dévoilent une multitude de possibilités sur les futurs usages des outils du domicile (domotique, commerce en ligne, audiovisuel et multimédias, sécurité privée…). S’agissant du secteur de l’emploi à domicile, il semblerait judicieux de parvenir à un mariage intelligent entre une transition digitale et technologique garante de progrès économique et humain, et un maintien du facteur humain dans la réalisation de services aux plus vulnérables.
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