Aurel Laurenţiu PLOSCEANU est le président de la Section Emploi, affaires sociales, citoyenneté au sein du Comité économique et social européen. Dans le cadre de la Journée de l’Europe, il a répondu à nos questions.
Alors que nous célébrons la journée de l’Europe, que placeriez-vous parmi les plus grands accomplissements sociaux de l’UE?
L’attention que l’UE donne aux politiques sociales n’est certainement pas nouvelle. Au sein de la Section pour l’Emploi, les Affaires sociales et la Citoyenneté du CESE, dont j’assume actuellement la Présidence, nous travaillons constamment sur les politiques relatives aux enjeux sociaux. A ce titre, je voudrais mettre en avant nos plus récents accomplissements que j’estime être importants, particulièrement dans le contexte de la crise, et espérons le, de la relance. Le Socle européen des droits sociaux (SEDS) lancé par la précédente Commission a illustré la nécessité d’établir une Europe plus sociale, et je salue le travail de la présente Commission, qui s’inscrit dans cette continuité. La publication d’un Plan d’action pour la mise en œuvre du SEDS, construit autour d’objectifs concrets et réalisable me semble tout à fait cohérente. Je voudrais notamment insister sur la proposition de Garantie pour l’enfance, qui invite les Etats membres à répondre aux besoins des enfants en situation d’exclusion sociale en investissant dans l’éducation, la santé et le bien-être. Je pense aussi que la proposition de renforcer la Garantie jeune est adaptée, au regard de la pandémie qui augmente la précarité des plus jeunes générations. Je crois que les nombreuses propositions chargées de promouvoir l’égalité et la non-discrimination au sein de l’UE constituent aussi une étape importante. A ce titre, les actions incluent dans le Plan d’Action sur l’Intégration et l’Inclusion 2021-2027 sont réellement appropriées pour répondre à ces enjeux. Dans ce contexte, le CESE encourage l’action, à travers des opinions, des événements et de nombreux échanges avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile.
En tant que Président de la section SOC du CESE, vous-êtes en première ligne pour assurer que l’Europe atteint ses objectifs sociaux et économiques. Dans ce contexte, quelles sont vos ambitions pour le Socle européen des droits sociaux? Quel rôle souhaitez-vous que le CESE joue dans les discussions autour de sa mise en oeuvre?
Comme je l’ai dit avant, le Plan d’Action relatif à la mise en oeuvre du Socle européen des droits sociaux et les importantes mesures proposés sont les bienvenus et ne pourraient pas être plus adaptés. Toutefois, j’aimerais souligner la nécessité qu’une importance et un poids égaux soient accordés aux 20 principes du socle social, étant donné qu’à l’heure actuelle, les grands objectifs ne portent que sur trois domaines : l’emploi, l’éducation et les compétences, ainsi que la réduction de la pauvreté. Je m’attends également à ce que l’on aille bien au-delà de l’objectif de réduire de 15 millions le nombre de personnes en situation de pauvreté, car il est moins ambitieux que l’objectif de l’Agenda 2030 des Nations unies, auquel l’UE a souscrit. En outre, je m’attends à ce que le SEDS s’intéresse de près à l’impact dévastateur de la pandémie et aux effets significatifs qu’elle a eus sur l’emploi, touchant les jeunes, les travailleurs temporaires et migrants peu qualifiés et faiblement rémunérés, et les femmes, qui ont généralement été plus durement touchées que les hommes.
Le CESE joue un rôle central dans ces discussions. Par exemple, nous avons eu le plaisir d’échanger avec le commissaire Nicolas Schmit lors de notre session plénière d’avril, au cours de laquelle nous avons confirmé notre engagement en faveur d’une Europe sociale plus forte, mais aussi exprimé nos préoccupations quant au processus de réalisation de cet objectif. Ainsi, outre les avis et événements que j’ai mentionnés, nous participerons avec une délégation au prochain sommet social de Porto, où nous ferons part de nos attentes quant à un engagement fort de toutes les parties prenantes à travailler en partenariat pour un avenir durable, en accordant une importance égale aux dimensions économique, sociale et environnementale. Nous demanderons une déclaration de Porto qui engagera tous les acteurs institutionnels, économiques et sociaux à mettre en œuvre le plan d’action, en s’appuyant sur le dialogue civil et social. Nous soulignerons que les gens ont vécu le COVID-19 comme une pandémie centrée sur l’être humain et, alors que l’Europe s’achemine lentement vers la reconstruction socio-économique et met en œuvre le SEDS, les personnes et les communautés doivent rester clairement au centre. L’ambition est vraiment de faire en sorte que « personne ne soit laissé pour compte ».
Dans quelle mesure croyez-vous que la lutte contre le travail non-déclaré, particulièrement dans le secteur des PHS, doit être l’une des priorités des gouvernements européens, notamment au regard de l’impact désastreux du Covid-19 sur ces travailleurs déjà vulnérables?
Le secteur des PHS est essentiel pour nos sociétés. Cela a été particulièrement mis en évidence par la pandémie actuelle, où ces services ont été en première ligne pour faire face non seulement à l’impact sanitaire, mais aussi aux conséquences sociales liées à la propagation du virus. Le rôle des femmes et des migrants dans ce secteur, comme nous le savons tous, est fondamental, et je pense que des mesures substantielles doivent être prises afin de garantir que leur travail soit reconnu et protégé comme il se doit. À cet égard, je voudrais souligner le travail de la section SOC sur un avis concernant la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants (SOC/529). Je pense que cette directive aidera les États membres à prendre des mesures appropriées dans le secteur des PHS.
Dans le contexte d’un marché du travail qui évolue considérablement en raison de la transition vers une économie et une société plus vertes et plus numériques, il est primordial de veiller à ce que toutes les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs et les entreprises soient prises, tant au niveau de l’UE que des États membres. C’est la seule façon de garantir une transition équitable et juste. D’autant plus, dans le contexte de secteurs tels que les PHS, dont la valeur est souvent sous-estimée.
La Commission européenne commence à réfléchir au futur de l’Etat providence en Europe. Quelles sont vos attentes concernant les solutions envisagées dans ce contexte de crise liée au Covid-19?
En ce qui concerne l’avenir des systèmes nationaux de protection sociale, je pense que l’UE développe actuellement de nombreuses activités qui s’inscrivent dans une tendance où la durabilité se transforme progressivement en un concept qui englobe non seulement les transitions verte et numérique, mais qui a également un lien important avec les questions sociales. La nécessité d’un Socle européen des droits sociaux multidimensionnel, qui soit intégré dans toutes les politiques de relance de l’UE, est un aspect sur lequel nous avons insisté à plusieurs reprises. Avant la pandémie, le CESE avait adopté un avis sur la durabilité sociale (SOC/568), dans lequel nous mettions l’accent sur le modèle social européen, décrit comme une étape importante pour l’Europe dans la garantie d’une protection sociale élevée et de droits de citoyenneté pour tous. Avec la mise en œuvre du SEDS, nous réaffirmons progressivement le rôle et la valeur de ce modèle social européen, où toutes les parties prenantes doivent s’engager à promouvoir une croissance inclusive et une reprise durable.
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