L’Observatoire des emplois de la famille produit depuis plus de 10 ans, en France, des études, des recherches, et des statistiques sur l’emploi à domicile. Ses travaux visent à éclairer les tendances du secteur, comprendre l’évolution des familles à domicile et la transformation des métiers, et anticiper les évolutions futures. En avril 2019, il a publié un Baromètre dressant un panorama du secteur de l’emploi à domicile dans les pays membres de l’Union européenne. Celle-ci brosse un portrait de la situation actuelle des métiers de l’emploi à domicile et en souligne les différents avantages et lacunes.
Si le secteur des services aux personnes et aux ménages concerne en 2017 plus de 7,5 millions d’emplois déclarés, équivalant à près de 4% du volume global de l’emploi dans l’UE, ces chiffres pâtissent d’une difficulté de recensement précis, induite par la présence encore massive d’emplois non-déclarés et donc de l’économie informelle, ou souterraine. Un autre obstacle à une estimation précise du nombre d’emplois est l’absence de reconnaissance uniforme de ces emplois comme activités économiques par les différentes nomenclatures, qu’il s’agisse de celles des Etats-membres ou des institutions européennes. La Nomenclature statistique des Activités économiques dans la Communauté européenne (NACE), établie à la fin des années 1980, comptabilise deux catégories relatives aux deux modèles dominants d’emploi à domicile dans l’Union européenne : l’emploi direct ou mandataire par le ménage employeur, et l’emploi indirect par le biais d’un prestataire public ou privé.
La classification européenne est en outre préjudiciable au secteur dans la mesure où elle comptabilise seulement les personnes employant un ou plusieurs salariés du domicile et n’exerçant pas d’autre activité économique que celle-ci – ne conservant de facto qu’en grande partie les employeurs retraités et excluant une très large majorité de la population active.
La prépondérance du travail non-déclaré dans certains pays européens, notamment ceux du Sud de l’Europe tels que l’Italie ou l’Espagne où les taux avoisinent les 70%, a été contrée dans d’autres par des allègements de charges sociales pour les employeurs ou des dispositifs facilités de déclaration du travail au cours des vingt dernières années. En témoignent la mise en place en 1994 du Chèque emploi-service en France, ou en 2001 du Titre-service (Dienstencheque) en Belgique. En Allemagne, ce sont les Mini-Jobs, mis en place en 2003 et fondés sur des contrats courts facilement déclarables et à moindre coût pour les employeurs, qui ont permis le retour à l’emploi d’une très large proportion de travailleurs longtemps restés exclus du marché du travail : femmes au foyer, personnes à faible qualification, chômeurs de longue durée mais aussi étudiants…
L’étude effectue de surcroît une analyse comparative des pays selon leur plus ou moins grande prise en compte du secteur dans l’élaboration de leurs politiques publiques dédiées. Deux grandes catégories semblent se dégager dans l’Union européenne : la première rassemblant des pays aux politiques sociales avancées et avec des mesures visant à favoriser les employeurs et les salariés du domicile, dans laquelle l’on retrouve majoritairement les pays d’Europe de l’Ouest ou du Nord. La deuxième regroupe essentiellement des pays d’Europe du Sud ou de l’Est, avec une absence de définition légale du secteur et avec peu voire pas de mesures favorables à l’essor des activités économiques du domicile.
D’autres enjeux, davantage sociaux, sont mis en exergue par l’étude de l’Observatoire au regard de leur puissante imbrication avec le secteur des services aux personnes et aux ménages. D’un côté, le vieillissement global de la population européenne, illustré par des données démographiques d’Eurostat, appelle une nécessaire prise de mesures afin d’anticiper l’augmentation prévisionnelle du nombre de personnes âgées bénéficiant de soins à domicile, mais aussi le possible engorgement des services publics de santé dédiés. De l’autre côté, la très forte prédominance de femmes parmi les aidants est un frein majeur à l’insertion ou au retour sur le marché du travail pour beaucoup d’entre elles, contribuant ainsi à maintenir un déséquilibre dans la conciliation des temps de vie professionnelle / vie privée.
L’étude fournie par l’Observatoire pose deux constats clairement étayés et illustrés :
– Tendre vers une uniformisation des méthodes de recensement des activités économiques liées à l’emploi à domicile par les autorités nationales et européennes ce qui permettrait de disposer d’une vision claire et partagée du nombre d’emplois dans le secteur.
– Les conséquences mécaniques du vieillissement de la population européenne appellent à un développement des métiers de soins à la personne et de services aux domiciles, qui s’ajoutent aux thématiques de l’emploi des femmes et de leur exclusion encore trop fréquente du marché du travail, notamment lorsqu’elles assument la prise en charge de leurs proches (enfants, seniors ou personnes en perte d’autonomie).
Le Livre Blanc européen publié par l’EFFE propose justement, parmi les dix propositions formulées à l’issue du document, des mesures visant à remédier aux faiblesses identifiées dans l’étude de l’Observatoire des emplois de la famille : la 1ère de ces propositions défend une plus grande mise en visibilité du poids économique et des enjeux sociaux de l’emploi à domicile entre citoyens, au moyen notamment de l’ajout d’une notion de « travailleur à domicile » dans les nomenclatures statistiques, et de la création d’un groupe de travail ad hoc en partenariat avec les différents instituts nationaux de statistiques des Etats Membres de l’Union européenne ainsi qu’avec Eurostat. La quatrième proposition, quant à elle, se concentre sur la nécessité d’une lutte coordonnée et efficace contre le travail non-déclaré et les enjeux d’insertion professionnelle des femmes et d’une meilleure prise en charge du vieillissement qui lui sont relatifs.
Retrouvez le baromètre disponible en français ici, et le Livre Blanc européen d’EFFE ici.
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